TRS : LES 3 BASES DE CALCUL

Cet article vous explique les 3 bases de calcul du TRS afin que vous sachiez à quel type de TRS faire confiance ou non. En effet le taux de rendement synthétique ou TRS d’un équipement de production est de loin la mesure la plus répandue et la plus fausse dans un atelier, intentionnellement ou par accident. 

En théorie, le TRS est facile, mais il existe quelques difficultés pratiques pour sa mesure précise. Même une mesure bien intentionnée de TRS est souvent imparfaite. De plus, pour de nombreux managers et dirigeants, la rémunération basée sur la performance peut être basée sur le TRS. Même si ce n’est pas le cas, un bon TRS donne une meilleure image de l’efficacité d’un atelier de production. Par conséquent, l’industrie a souvent tendance à gonfler ses TRS.

Après la définition du TRS et la manière dont le TRS est mesuré, cet article se concentrera sur la manière dont le TRS peut être falsifié. Dans le prochain article, nous verrons en quoi le TRS est bon et ce qui ne l’est pas. L’objectif de cet article est de ne pas vous apprendre à falsifier votre TRS. Nous souhaiterions plutôt vous dire comment faire attention aux autres TRS que vous êtes amenés à rencontrer au quotidien, en particulier si ces derniers influencent votre prise de décision. Dans ce cas, vous devez impérativement comprendre les « TRS manipulés » qui vous sont signalés.

Comme présenté dans notre précédent article sur la manière de mesurer les TRS, celui-ci est basé sur le nombre de pièces produites par rapport au nombre de pièces qui auraient pu (ou dû…) être produites dans un certain temps (la base de temps) à la vitesse maximale possible (le base de vitesse). Comme ce sont les trois seules composantes qui entrent dans le calcul d’un TRS, ce sont ces mêmes composantes qui peuvent être, en théorie, manipulées.

1/3 : Falsifier votre base de cadence

La cadence réelle d’un process ou d’un équipement de production est censée être la meilleure « vitesse » possible de production pouvant être répétée. Cependant, elle est difficile à mesurer. Vous trouverez ci-dessous un certain nombre d’options pour manipuler cette donnée.

Machine de production

Par exemple, il est possible de mesurer simplement la vitesse moyenne d’une bonne journée et d’utiliser cette donnée comme vitesse maximale. Cependant, dans ce cas, la vitesse moyenne inclut déjà des pertes. Même une bonne journée comporte des arrêts, des retards ou des défauts. Si, par exemple, le véritable TRS d’un bon jour serait de 80% (ce qui n’est pas un résultat inhabituel), alors ce TRS basé sur une vitesse de 80% de son capacitaire maximal, aurait par nature un « rabais » de 20%.

Une autre possibilité consiste à utiliser des données obsolètes. Les process de l’industrie changent et s’améliorent constamment. Si la « vitesse réelle » enregistrée est vieille de quelques mois, il est possible que le processus se soit amélioré depuis. Pourtant, si vous basez votre TRS sur une hypothèse de 50 pièces par heure, mais qu’en réalité vous pouvez déjà en fabriquer 55, votre TRS augmente à nouveau. Dans des cas similaires, les opérateurs ont peut-être constaté qu’ils pouvaient augmenter la vitesse de leur machine sans faire de non-Qualité et les utiliser pour atteindre plus facilement leur objectif de volume de production quotidienne ou hebdomadaire.

La vitesse réelle est particulièrement difficile à mesurer pour les process de production impliquant des opérateurs « humains ». Mesurer un opérateur avec un chronomètre entraîne une manipulation par celui-ci. Dans la plupart des cas, l’opérateur peut travailler beaucoup plus lentement que la normale, afin de ne pas révéler la vraie vitesse possible et nuire à son bonus de performance. L’utilisation d’un système de « mouvements prédéterminés » comme par exemple le REFA, le MOST ou le MTM peut également déjà inclure des pertes, par exemple des provisions pour imprévus. Le MTM, par exemple, suppose une indemnité pour imprévus en cas de perturbations techniques et personnelles (par exemple : les pauses pour convenance personnelle ou les aléas liés aux dérangements de l’opérateur par les fonctions supports de l’entreprise). Bien qu’il ne soit pas admissible d’empêcher un opérateur d’aller soulager des besoins personnels, il s’ensuit néanmoins une perte de TRS pouvant être évitée grâce, par exemple, à une organisation temporaire des opérateurs en « opérateurs tournants », en travaillant notamment sur la polyvalence de ces mêmes opérateurs et permettre ainsi de couvrir cette catégorie de pause « non planifiée ». Cependant, aux fins du calcul de du TRS, ces provisions doivent être exclues.

De plus, à travers l’expérience des consultants d’ŌEDO, les mouvements prédéterminés sont généralement plus lents qu’un opérateur expérimenté. Dans les grilles d’analyse MOST, par exemple, une « estimation de la vitesse » est souvent incluse, ce qui peut faire une différence d’environ 30%. Selon le nombre choisi pour la vitesse de base de du TRS, celui-ci peut être très différent. En général, plus la base de vitesse est comparée à la vitesse maximale réelle, plus le TRS sera élevé.

2/3 : Falsifier votre base de temps

Probablement le plus gros levier pour manipuler votre TRS est la base de temps. La base de temps représente la période de temps pendant laquelle une machine est supposée fonctionner. Une approche courante pour gonfler les TRS consiste à éliminer les pertes de disponibilité de la base de temps.

Par exemple, la maintenance planifiée est une perte, mais dans la plupart des usines que nous avons vues, la maintenance planifiée est retirée de l’équation du TRS. Selon l’installation, il peut s’agir d’une augmentation supplémentaire de 5% à 15% du TRS.

La même chose vaut pour les pauses. Quarante-cinq minutes de pause au cours d’une équipe postée de travail de 7,5 ou 8 heures représentent une perte de TRS de près de 10%. Il est possible de couvrir ces pauses avec une pause ou des pauses échelonnées, lorsqu’un collègue opère sur le process de production en cours pendant que l’autre opérateur prend une pause. Pourtant, dans la plupart des entreprises dans lesquelles les consultants d’ŌEDO sont intervenus, les pauses ne sont pas incluses dans le calcul du TRS. Ceci est un autre coup de pouce de 10% pour le TRS. Certaines usines particulièrement audacieuses ont des pauses décalées, mais elles retirent tout de même ces pauses du calcul du TRS ! Non seulement les pauses de 10% ne sont pas comptées, elles font même des pièces lors de celles-ci non comptées de 10%, gonflant ainsi leur OEE à la fois en réduisant la base de temps et en augmentant le nombre de pièces, avec cette méthode vous êtes gagnant des 2 côtés de l’équation du TRS.

Dans le même ordre d’idées, les pannes imprévues se transforment miraculeusement en escales ou en changements planifiés et peuvent être exclues. Même les heures supplémentaires peuvent être exclues, ce qui entraîne encore plus de pièces en temps non comptées sur une base de temps plus longue.

3/3 : Falsifier le nombre de pièces produites

En pratique, le nombre de pièces produites est généralement exact. D’après l’expérience des constants d’ŌEDO, presque toutes les usines savent à peu près ce qu’elles ont produit. Par conséquent, le nombre de pièces produites est généralement assez précis.

Cependant, il est possible de tromper ces chiffres. Dans les années 50 à 70, les pays communistes en particulier ont fait preuve d’une grande créativité pour truquer les chiffres de production. Le moyen le plus simple est de simplement mentir sur les vrais chiffres, comme cela se faisait couramment dans la Chine communiste. Pendant la grande famine 1958–1961, le nombre de récoltes a été grossièrement gonflé. Certains responsables ont affirmé qu’ils avaient récolté une quantité de grain suffisante pour recouvrir la cheville des paysans de champ de riz ou bien empiler de pommes de terre jusqu’à un mètre de hauteur. Même le président Mao, fils d’un agriculteur, a fini par ne plus croire en ces chiffres. Dans l’industrie moderne, il est absolument déconseillé de mentir au sujet des quantités de production, car cela sera probablement découvert et peut constituer un motif flagrant de licienciement.

En Union soviétique, une autre manière de modifier les chiffres de production était courante. Plutôt que de déclarer les quantités totales, les quantités d’une équipe de travail ou d’un opérateur ont été déclarées. Un individu en particulier, Aleksei Stakhanov, héros du travail socialiste, aurait extrait 102 tonnes de charbon par équipe (9h par jour à l’époque en URSS…), soit environ 14 fois son quota normal. Plus tard, il a même dépassé cela en extrayant 227 tonnes de charbon en un seul poste. Cela a rapidement été suivi de résultats similaires obtenus par d’autres opérateur et a été appelé le mouvement « Stakhanoviste ».

Naturellement, tout était faux. La production de plusieurs équipes a simplement été comptée pendant une équipe, la production de nombreux travailleurs différents a été attribuée à un « héros », ou la charge de travail a été redistribuée de sorte que le « héros » ne produise pas la production dans son entièreté. En tout cas, même si cela avait l’air bien sur papier, c’était loin de la réalité.

Enfin, une dernière option pour gonfler le nombre de pièces consiste à ignorer les pertes de qualité. Si les mises au rebut et les reprises sont considérées comme des pièces bonnes, le TRS augmente encore. Et, si le défaut est découvert uniquement lors du process suivant (ou même chez le client), il peut ne pas apparaître du tout dans les pertes de TRS. Contrairement aux pratiques de l’ex union soviétique, cette pratique de ne pas déclarer ses rebuts est malheureusement trop répandue dans l’industrie actuelle ; défavorisant ainsi les démarches « rapides » de résolution de problème et donc l’amélioration continue.

Quoi attendre du TRS ?

Ce type de falsification est très répandu dans l’industrie, gonflant ainsi le TRS et le rendant inexploitable. Dans de nombreux cas, il ne s’agit même pas d’une intention malveillante, mais plutôt de la définition du standard de l’entreprise et de la même manière pour toutes les installations et tous les processus. Cependant, à moins que vous ne sachiez comment sont déterminés la base de temps, la base de vitesse et le nombre de pièces, il est inutile de comparer les TRS calculés.

D’après l’expérience des consultants d’ŌEDO, les TRS sont généralement mesurés de manière à les situer dans une plage allant de 80% à 95%, quelle que soit la performance réelle du processus. Ces chiffres plaisent aux cadres supérieurs et dirigeants, qui obtiennent donc ce qu’ils veulent. Bien entendu, le maximum théorique devrait être de 100%, car ce serait la vitesse la plus rapide possible. Cependant, nous avons également vu de nombreuses usines rapportant à la direction et avec bonheur un TRS de 105% ou similaire.

La question est de savoir à quoi ressembleraient ces TRS s’ils avaient été mesurés sans manipulation. Ainsi, et dans le cadre de nos interventions, les consultants ŌEDO, en ont mesuré un certain nombre, et les TRS mesurés sont généralement bien inférieur à la plage officielle de 80% à 95% (et au-delà). D’après notre expérience, la plupart des process dans l’industrie occidentale ont un véritable TRS compris entre 40% et 60%, pas plus. Même les TRS de 30% ou moins ne sont pas rares. La différence entre les véritables 40% à 60% et les 80% à 95% déclarés n’est rien d’autre qu’une illusion sur soi et sa propre performance. Il faut simplement admettre qu’un TRS à 30% est très loin d’être un mauvais TRS !

Le meilleur véritable TRS rencontré jusqu’à présent a été observé lors d’une visite d’un site Toyota Manufacturing à Valenciennes, où le véritable TRS d’une ligne d’assemblage de véhicule se situe entre 85% et 90%.

Lors de cette visite, le manager de production avait particulièrement insisté sur le fait qu’il avait fallu déployer une énergie folle pour atteindre ce résultat, particulièrement sur la pédagogie apportée à tous sur la compréhension réelle du TRS.

Toyota Valencienne : modèle de performance

Espérant que cet article vous a aidé à comprendre la valeur réelle de l’indicateur TRS (ou son absence), et également la valeur « virtuelle » d’un indicateur TRS si vous ne comprenez pas les détails qui le sous-tendent. Nous souhaitons également que vous utiliserez cet indicateur à des fins productifs ; n’oubliez pas, si votre TRS est supérieur à 60% ou 70% il y a un loup quelque part ! Aussi n’utilisez PAS ces informations pour tromper vos TRS, car cela n’aidera pas votre entreprise (même si, en fonction de votre patron, cela peut aider votre carrière – ou la réduire). Aussi, n’oubliez pas que l’excellence opérationnelle est au service de VOTRE entreprise.

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